Les représentants de l’Assemblée de la Polynésie française, se sont réunis, le Mardi 25 septembre 2007, pour la session budgétaire qui a débuté par l’intervention du président de l'institution, Edouard Fritch, suivi de celle du président du Pays, Oscar Temaru.
L’ordre du jour comprenait divers projets de délibérations concernant l'approbation de comptes financiers de divers établissements tels que l'Office des Postes et Télécomunications (OPT), de l'Institut de la Statistique de la Polynésie française ou encore le rapport de la Chambre territoriale des comptes au sujet de la gestion, entre 2000 et 2006, de la société d'économie mixte Tahiti Nui Rava'ai (pêche hauturière).
L'Assemblée devra également rendre son avis sur le projet de loi organique et le projet de loi simple visant à "renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française." Ce projet de loi prévoit une abréviation du mandat des représentants et la tenue d'élections anticipées en janvier 2008.
Le Sénateur Gaston Flosse dans l'hémicycle de l'Assemblée de la Polynésie française durant la session budgétaire
Lire l'intégralité de l'intervention de la représentante Armelle Merceron et l'allocution d' Edouard Fritch.
Intervention d'Armelle Merceron sur le rapport de la chambre territoriale des comptes sur ' Tahiti nui Rava'ai'
En mai 2000, notre assemblée a acté par un vote unanime des élus présents le principe de créer la Société d'Economie Mixte Tahiti Nui Rava'ai, dans le cadre du développement d'une filière de pêche moderne, décidée en 1999 et complémentaire de l'activité de pêche lagonaire et côtière traditionnelle. C'est dire combien, dans cette période d'après-CEP, la création de ce maillon de notre filière de pêche semi-industrielle était porteuse d'espérances pour développer nos ressources propres, promouvoir notre autonomie économique et des emplois directs comme indirects. o de l'assurance que la ressource halieutique existait dans le Pacifique et particulièrement dans notre ZEE, selon les études scientifiques réalisées par l'IFREMER. En effet les étrangers y pêchaient, pourquoi pas un armement polynésien ?
Le choix fixé par le gouvernement de développer la pêche côtière et hauturière était parfaitement justifié en raison :
o de débouchés commerciaux : en effet le marché intérieur était loin d'être saturé et la demande à l'exportation de produits de qualité, pêche fraîche ou congelé, bruts ou transformés était certaine.
De plus il faut rappeler que, dans les années précédentes, des initiatives d'armement privé, soutenues par les pouvoirs publics, s'étaient concrétisées et avaient démontré la possibilité de conduire des programmes avec succès. Du reste la demande de développement de la pêche moderne émanait bien des professionnels eux-mêmes.
L'ambition de " passer à la vitesse supérieure " sur la base d'un ambitieux plan de développement de la filière de pêche polynésienne était donc cohérente et réaliste.
Il s'agissait de " transformer la pêche à dominante fraîche en une pêche hauturière et exportatrice ". En agissant sur tous les maillons de la chaîne, de l'amont vers l'aval, de la pêche proprement dite à la commercialisation en passant par la formation des hommes et la mise en place des infrastructures du port de pêche.
Aujourd'hui il faut admettre que les objectifs fixés en matière de pêche et d'exportation sont très loin d'être atteints, qu'une partie importante de l'armement ne pêche pas et que sur les plans économiques et financiers la filière est en proie à de grandes difficultés sans même avoir atteint le plein développement prévu. Le rapport de la CTC est assez éloquent sur ces points.
Si la raréfaction des poissons dans les eaux habituelles de pêche pendant les années cruciales de montée en puissance de la jeune flotte est très probablement un facteur explicatif majeur, une sorte de malchance, nous ne pouvons nous en contenter car elle n'explique pas tout.
Il y a donc un facteur conjoncturel : la migration des poissons en d'autres lieux du Pacifique, mais il y a aussi sans doute des défaillances stratégiques dans la mise en œuvre du plan de développement et une absence d'actions correctrices en cours de route pour s'adapter.
S'il est indéniable que l'ensemble de la filière Pêche est en crise, il est aussi indispensable de rappeler que notre dossier concerne la situation particulière de la SEML TNR, en tant qu'entreprise publique et en tant qu'outil de développement de la pêche privée. Sa situation alarmante depuis plus de deux ans s'inscrit dans la crise du secteur mais elle résulte aussi des choix opérés par les équipes de direction et de gestion qui se sont succédé.
La création de la SEM TNR représentait un maillon de la filière, pour faciliter l'acquisition des bateaux et leur armement par des professionnels privés grâce à des commandes groupées, permettant l'accès à des leviers susceptibles de générer des baisses importantes de coûts d'acquisition et de réduire les risques pesant sur les acteurs privés. Emprunts bancaires communs, recours à la défiscalisation métropolitaine et Loi Flosse, subventions d'investissements ….
Dans le tourbillon de la crise la SEM TNR concentre les plus grosses difficultés parce que l'on a concentré sur cette entreprise publique - rappelons que la Polynésie française est à 85% propriétaire des capitaux de cette société - l'essentiel des risques économiques et financiers permettant un décollage rapide de la capacité de production (doublement du nombre de bateaux). Et que les pouvoirs publics ont accepté qu'elle supporte cette charge, en contrepartie de subventions. Se pose donc la question de justifier l'argent public injecté et des charges financières nouvelles susceptibles d'apparaître du fait de son endettement bancaire et des risques majeurs de requalification fiscale.
Plutôt que de rejeter la faute sur les uns et les autres, puisque tous les gouvernements successifs se sont inscrits dans la continuité, il paraît à l'évidence plus utile pour l'avenir de rechercher les points faibles du dispositif et les erreurs commises afin, d'une part, de ne pas les répéter ou les laisser perdurer, et d'autre part de réajuster nos décisions politiques afin de préserver l'acquit pour relancer la pêche et sauver TNR et ce qu'elle porte d'espoir pour notre avenir
Avec le recul que peut-on relever ?
o que l'on a sans doute voulu développer trop vite la flotille de pêche, la hausse rapide de la capacité de production se conjuguant de plein fouet avec la raréfaction de la ressource halieutique à un moment crucial,
o que le choix de commander des bateaux chinois a conduit à privilégier un coût minimum d'acquisition au détriment de l'adaptation de l'outil aux contraintes de pêche et à la qualité ; en tous les cas les contrôle de qualité au moment de la réception n'ont pas été satisfaisants. Par exemple pourquoi n'a-t-on pas validé la réception rendu port de Papeete plutôt que de la faire au départ de Chine ?
o que l'on a mésestimé le facteur humain : la formation des hommes s'acquiert non seulement par les diplômes mais surtout par l'expérience professionnelle ; celle-ci prend du temps et fait qu'au fur et à mesure des années on pêche mieux parce l'on est plus expérimenté, parce que l'on a recours à des outils modernes de recherche du poisson,
o que des bateaux ont été attribués à des armateurs qui y ont vu une aubaine, sans avoir véritablement une volonté et des capacités pour exercer ce métier spécifique,
o que l'on n'a pas assez imprimé dans l'esprit des nouveaux armateurs et des équipages que la pêche, au-delà d'un métier passionnant, se réalise aussi dans une entreprise privée qui doit équilibrer ses comptes, payer ses charges et tenir compte de la saisonnalité des prises,
o que l'argent public ne signifie pas possibilités de gaspillage. La défaillance des acteurs privés sous la forme d'arriérés de loyers et de primes d'assurance a été trop facilement compensée, à chaque fois, par des subventions publiques. Pourquoi aujourd'hui, alors que les rendements de pêche sont bien meilleurs, pourquoi les retards et impayés de loyers restent aussi élevés ? De subventions pour l'investissement on est passé à des subventions pour couvrir les déficits et aujourd'hui à des subventions pour rénovation et mise à niveau de bateaux dont certains n'ont pas ou peu navigué.
D'une façon synthétique on peut dire que l'on a " péché " au départ par excès d'optimisme et donc un manque de prudence en ne bâtissant que les scénarii favorables, sans être suffisamment réactif face aux défaillances constatés en cours de route. Par un manque de réalisme dans la mise en œuvre du plan.
On peut également s'interroger sur la part respective prise par les pouvoirs publics et le secteur privé dans le plan de développement de la filière, en termes d'initiatives entrepreneriales et de prises de risques économiques et financiers.
Cette question pose d'une façon plus générale la question de la nature, du degré et des modalités des interventions des pouvoirs publics dans le développement des secteurs économiques porteurs de notre développement. Quelle place respective laisser aux interventions publiques et à l'initiative privée ? Quel rôle attribué aux uns et aux autres pour concilier promotion du développement économique et social et bonne utilisation des moyens financiers de la collectivité ?
Situation financière de la SEML TNR
En septembre 2006, et conformément à ses obligations légales dans le cadre de la procédure d'alerte de la situation des sociétés commerciales, l'expert comptable a transmis aux actionnaires un rapport spécial les mettant en garde sur la gravité de la situation et sur les faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation.
La situation financière de TNR s'est effectivement révélée au 31 décembre 2006 désastreuse :
o les pertes ont été de 107 millions pour l'exercice 2006 représentant avec un report déficitaire des années antérieures de 88 millions, des pertes cumulées de 196 millions, soit 70% du capital social. Légalement il y a donc obligation de recapitaliser en urgence la société d'un montant minimum de l'ordre de 50 millions.
o En 2006, le chiffre d'affaires de la société a avoisiné zéro puisque TNR tire ses recettes des opérations de construction et de défiscalisation et que le programme de construction de thoniers a été judicieusement gelé pour les exercices 2005 et 2006, à la demande de la DGI, compte tenu de la surcapacité constatée.
o Les retards de loyers correspondants aux remboursements des emprunts contractés par TNR, impayés par les armateurs ont atteint la somme de 325 millions contre 222 millions fin 2005 et 75 millions fin 2004. Le taux de recouvrement n'atteint que 40%. A ces impayés s'ajoutent ceux relatifs à des primes d'assurances, le non remboursement de diverses sommes avancées pour le compte des armateurs. Au total 400 millions fin 2006.
o A cela s'ajoute pour TNR un encours de dette d'emprunt bancaire de 1,8 milliards restant à rembourser.
o 17 bateaux étaient à quai en attente de travaux de réhabilitation préalables à leur armement.
o Le risque de requalification fiscale de la part de la DGI pour les bateaux qui ne pêchent pas représente entre 1,8 et 1,9 milliard de francs, à charge pour le budget de la Polynésie française.
On ne peut que constater l'aggravation de la situation au cours des exercices 2005 et 2006. Depuis deux ans et en 2007 également TNR vit sous perfusion de subventions du budget de la Polynésie : 186 millions en 2005, 143 millions fin 2006. 225 millions avaient été inscrits au budget primitif 2007, uniquement pour couvrir le fonctionnement et pallier les défaillances courantes, et non pour mettre en application des solutions de fond.
La SAS AVAIA, filiale à 100% de TNR, créée en 2005 dans des conditions discutables sur le plan juridique pour remettre en état les bateaux non navigables et pour les armer, a reçu quant à elle une subvention de 135,75 millions en 2005/2006.
Pour quel résultat ?
J'interpelle le président du gouvernement sur la situation sur " le fil du rasoir " de la société TNR. Votre ministre chargé de la pêche est le même que dans vos précédents gouvernements. Il connaît la gravité des problèmes puisqu'il était en responsabilité du secteur sans que des actions fortes de corrections, de réajustements structurels n'aient été opérées. TNR s'enfonçait et rien ou presque rien de sérieux n'a été fait. A sa nomination il a annoncé que sa priorité allait à la pêche lagonaire ! Cela m'inquiète ! Est-il ? Etes vous pleinement décidé à éviter la mort de TNR et avec elle celle d'une grande partie de la filière ? Et des risques de faire peser sur le contribuable polynésien les pénalités de l'échec ? Et de nous ramener 10 ans en arrière ?
Il est encore temps d'espérer et d'agir. Je crois à l'avenir de la pêche industrielle polynésienne.
A quelles conditions ?
o tirer les leçons des erreurs commises, de part et d'autres ;
o soutenir la nouvelle équipe dirigeante depuis six mois en ne la changeant pas et si on la laisse poursuivre dans la durée le travail ardu et difficile entrepris sur tous les fronts, à savoir :
o retour de relations de confiance avec la DGI, pour éviter des décisions mortelles de requalification fiscale qu'elle serait en droit d'exiger compte tenu du non respect des obligations de pêche de 17 navires de TNR. Pour cela des échanges directs et permanents d'informations sont mis en œuvre depuis 6 mois. La DGI a d'ores et déjà accepté de reculer l'échéance au 31 décembre 2007 pour réévaluer sa position alors qu'elle était en droit de mettre en œuvre des sanctions,
o rigueur et continuité dans les opérations de réhabilitation des 17 navires à quai : le coût de la mise à niveau a été méthodiquement évalué sous contrôle des experts maritimes : il faut 330 millions de subventions publiques étalées sur 2007 et 2008; et pour cela maintenir la subvention partielle inscrite au projet de collectif budgétaire 2007 N°3. un programme de travaux a été élaboré, il faut le rspecter : un bateau réhabilité est partie en campagne de pêche depuis un mois et demi, deux autres partent cette semaine ;
o reprendre sérieusement l'effort de formation des capitaines arrêtés depuis deux ans,
o maintenir les dispositifs économiques de soutien à l'exportation et d'infrastructures à terre, avant et après la pêche.
Etc, etc …
La survie de la filière, la préservation autant que possible des investissements réalisés et donc le bon usage de l'argent public nécessitent de sauver et de consolider ce qui existe aujourd hui, avant d'envisager de nouveaux développements. Et de faire partager ces objectifs par le plus grand nombre des acteurs.
C'est votre responsabilité aujourd'hui Monsieur le Président ; c'est votre responsabilité monsieur le ministre de mettre en œuvre cette politique. C'est à nous élus de favoriser la réussite de cette étape vitale dans l'intérêt de l'avenir.
Allocution d'Edouard Fritch à l'Assemblée de Polynésie
Recevez toutes et tous mes chaleureuses et fraternelles salutations.
Je les adresse tout autant à ceux et celles qui nous suivent à la télévision et par internet.
J'ai une pensée particulière pour mes compatriotes des archipels éloignés.
Je n'oublie pas ceux ou celles qui sont dans la douleur pour diverses raisons.
Les derniers évènements politiques qui ont modifié le paysage de notre gouvernement et de notre assemblée, nous ont conduits à reporter la cérémonie solennelle d'ouverture de la session budgétaire à aujourd'hui.
Ce report, et je tiens à le souligner pour éviter tout malentendu, a été accepté en conférence des présidents par l'ensemble des trois groupes politiques, UPLD, Tahoeraa huiraatira et Polynésiens ensemble, constitués au sein de notre assemblée.
Je l'ai proposé par respect pour le nouveau chef de l'exécutif et en fin de compte pour nous tous ici présents.
Avant d'entrer dans le sujet qui nous réunit ce matin, je voudrais tout d'abord adresser mes salutations au président Temaru et à son gouvernement.
Depuis mon élection à la présidence de cette assemblée, le 12 avril 2007, nous avons tenu 13 jours de travaux et avons adopté au total 49 dossiers répartis en 6 lois du Pays, 20 délibérations, 6 avis sur des projets de loi, 12 comptes financiers et 5 propositions de délibération.
Sur ce total de 49 dossiers adoptés, 31 avaient été transmis par le précédent gouvernement. Les 18 autres dossiers sont ceux que j'ai trouvés sur le bureau de l'assemblée à mon arrivée.
Une telle production normative sur la durée de la session ordinaire s'étant achevée en juillet dernier, soit trois mois, me semble pour le moins faible.
Elle n'est certainement pas à la hauteur ni de la feuille de route assignée à l'ancienne équipe gouvernementale, ni des espérances de nos compatriotes d'une assemblée et d'un gouvernement tout entier mobilisés à résoudre leurs difficultés.
Ce constat doit notamment amener l'équipe gouvernementale récemment désignée à nous saisir rapidement de plus de dossiers, spécialement de tous ceux qui engagent des réponses concrètes et adaptées aux difficultés de la vie quotidienne de nos compatriotes.
J'observe par ailleurs qu'il reste un ensemble de 16 dossiers qui ont été volontairement réservés à la commission permanente à la demande de son président.
Constatant que la commission permanente ne s'est jamais réunie dans la période de notre intersession allant du 11 juillet au 19 septembre 2007, j'ai fait inscrire l'ensemble des 16 dossiers à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée plénière. A cet égard, nous nous réunirons toute cette semaine pour épuiser ces dossiers qui sont restés en suspens depuis plusieurs mois.
Face à l'inactivité de cette commission, je serai tenté de donner raison à tous ceux qui disent, au sein de notre institution, que la Commission permanente ne sert à rien et qu'il faudrait envisager de la supprimer.
Mais, j'ai aussi tendance à croire que ce ne sont pas forcément nos institutions qui sont mauvaises mais que leur pertinence dépend étroitement de ce qu'en font les hommes ou les femmes qui les président.
En tout cas le débat sur ce sujet reste ouvert.
Au terme de la session administrative qui s'est achevée, je voudrais remercier mes collègues de l'assemblée pour la bonne tenue de nos séances.
Je tiens également à saluer le dévouement et l'efficacité de notre personnel et son administration.
Je leur dit merci au nom de tous.
Je suis satisfait que nous ayons pu faire évoluer le règlement intérieur de notre assemblée et ainsi permettre un meilleur fonctionnement, une meilleure expression démocratique et une plus grande moralisation dans les pratiques de notre institution.
Néanmoins, je regrette encore que notre assemblée ait rejeté, par esprit partisan, la proposition concernant la mise en place du crédit de frais d'exercice de mandat. Ce regret est d'autant plus justifié que nous n'avons toujours pas apporté de réponse satisfaisante aux conditions de travail de l'ensemble de vos collaborateurs. Ils travaillent encore dans des conditions scabreuses et malsaines, reconnues en coulisse par les Représentants et qui justifient le bien fondé et l'utilité de cette proposition. Certains d'entre vous me l'ont avoué en privé.
Mais, rien n'est définitivement perdu. Il ne tient qu'à vous de remettre cette proposition à l'ordre du jour, si la vous jugez toujours opportune.
En outre, Je suis assez satisfait de l'ambiance générale qui a prévalu en séance ces derniers temps.
Nous avons cependant encore des petits progrès à faire pour que les noms d'oiseaux et certains propos outranciers ne soient plus de mise dans cette enceinte.
Nous devons en effet prendre en compte les critiques répétées et les exaspérations grandissantes des citoyens qui nous écoutent et qui nous observent.
Je compte sur la sagesse de tous les élus pour que le respect, la tolérance et la dignité des personnes soient les valeurs qui prévalent dans nos échanges et dans nos rapports.
Je compte aussi sur vous pour que vous usiez, plus que par le passé, de vos pouvoirs de proposition de texte ou de ceux d'amendement, qui sont parties intégrantes de vos fonctions.
Nous avons le mandat de représenter notre population. Nous sommes porteurs de leur parole, de leur devenir et de leur avenir. Cette haute responsabilité nous oblige à un devoir de rigueur, de transparence et d'honnêteté.
C'est dans cet esprit que j'ai voulu, dès ma prise de fonction, associer directement les neufs membres du Bureau de notre assemblée aux décisions qui concernent l'organisation et le fonctionnement de notre institution.
Sur les cinq mois de son existence, le Bureau s'est déjà réuni à trois reprises pour notamment se concerter sur le calendrier des séances de notre assemblée, suivre l'état de consommation du budget de l'assemblée, la situation des dossiers contentieux, l'aménagement des salles de ce bâtiment principal en prévision de l'installation du personnel de l'assemblée dans le nouveau bâtiment administratif.
Je continuerai les concertations avec notre Bureau, car la collégialité et la pérennisation des décisions prises sont une nécessité pour avancer ensemble avec efficience. Ainsi, il faut plaider pour que le prochain président de notre assemblée ne vienne pas systématiquement remettre en cause ce que nous aurons construit ensemble. En ce domaine aussi, nous avons besoin de stabilité et de continuité. C'est cet état d'esprit qui m'a animé depuis mon élection.
Je compte à nouveau sur chacune et chacun d'entre vous pour que nos échanges et nos travaux, au cours de cette session budgétaire qui s'ouvre, prennent une hauteur qui soit digne de notre représentation et de l'attente de nos concitoyens.
J'affirme à nouveau au président du gouvernement, comme je l'ai fait auprès du précédent président, que je réunirai notre assemblée aussi fréquemment que nécessaire pour examiner les projets qui nous seront soumis.
Ainsi, le grand exercice qui nous attend, pour les élus du peuple que nous sommes, sera d'examiner ensemble, dans les semaines à venir, le troisième collectif budgétaire 2007 et le budget de la Polynésie française pour l'année 2008.
Le vote du budget est l'un des actes les plus importants qui incombent aux 57 Représentants de cette assemblée.
C'est grâce au vote de ce budget que le gouvernement peut imprimer sa marque politique à travers la réalisation des objectifs et du contrat politiques passés entre la population et ses gouvernants.
Le budget traduit l'unité administrative et politique de notre pays. Il traduit aussi la solidarité, l'équilibre et l'équité entre toutes les composantes de notre société.
Aussi avant d'ouvrir d'une manière officielle cette session, je souhaiterais rappeler en quatre points, l'exact enjeu que représente à mes yeux le vote d'un budget, pour l'avenir d'un pays tel que le nôtre. J'indiquerai ensuite les éléments constitutifs d'un bon budget pour la Polynésie française dans la situation présente.
En premier lieu, un budget doit être l'affaire de tous car il engage, pour une année, la vie économique et sociale de la Polynésie française. Tout le monde s'accorde en effet à reconnaître que les institutions politiques et administratives de notre pays exercent sur notre croissance économique une influence décisive, qui peut être soit très favorable, soit tout au contraire extrêmement néfaste.
Nos institutions et notre administration ne se suffisent pas à elles-mêmes pour nous établir un budget. Il ne suffit pas que quelques élus aidés de quelques techniciens chevronnés en matière financière et comptable additionnent quelques chiffres pour que tout soit dit.
Ce serait faire peu de cas des autres institutions et organismes d'ordre économique, social, et culturel qui, eux aussi, ont leur mot à dire. Leurs analyses sont utiles pour nous guider dans les choix fondamentaux.
Il faudra aussi prendre en compte le fait, et je le dis sans polémique, que les entreprises de notre pays souffrent et se désespèrent de l'instabilité chronique que nous vivons depuis près de 4 ans, 2004, 2005, 2006 et 2007.
Quatre années successives de marasme économique ont placé nos entreprises en situation de danger.
Cette réalité nous oblige à donner aux entreprises des gages de notre volonté réelle et sincère d'entrer dans une nouvelle et longue ère de stabilité et de développement de notre pays.
Cette exigence est essentielle si nous voulons que nos entreprises aient à nouveau confiance et créent les emplois tant réclamés par nos populations, et surtout par les jeunes.
En second lieu, un budget est un instrument d'orientation qui permet d'assurer l'équilibre entre la croissance économique et la paix sociale.
Nous sommes un pays à la recherche de son développement.
A cet égard, un équilibre particulier doit être trouvé entre un taux élevé d'investissement, moteur de notre développement économique, et un niveau de consommation qui satisfasse nos populations.
En troisième lieu, un budget doit être l'expression d'une volonté partagée d'assumer les responsabilités du devenir du pays.
Les partenaires socio-économiques sont des relais privilégiés de la politique d'un gouvernement.
Les programmes de relance de notre développement ne peuvent se concrétiser que si nous avons l'adhésion des partenaires et que nous mettions en place les espaces de concertation que chacun revendique.
Chaque étape du déroulement du budget, les succès et les échecs permettent les réajustements qui tiennent compte des particularités et des conjonctures toujours mouvantes.
Le budget est, en ce sens, un outil de prévision et de décision.
Et enfin, un budget doit être un outil de clarification et d'explication des choix essentiels en matière économique et sociale.
L'élaboration d'un budget est un exercice dans lequel peuvent surgir des conflits dans le choix des mesures économiques jugées nécessaires et dans l'affectation des ressources dans des secteurs liés à la croissance.
Ceci signifie que les élus que nous sommes ont une lourde responsabilité : nous pouvons, à notre manière, accélérer ou freiner les mesures de développement.
C'est pourquoi, je voudrais insister sur le rôle des élus dans cette responsabilité budgétaire.
Une discussion budgétaire doit être guidée, non pas par une idéologie partisane, mais par les exigences de l'utilité économique et de la continuité sociale.
Mais souvent, sous couvert inavoué d'idéologie partisane et au nom de la continuité sociale, certains ont confondu rattrapage social et clientélisme social.
Il faut en finir avec ces pratiques clientélistes. Elles alourdissent inutilement la charge fiscale et qui, en fin de compte, appauvrissent la population.
Il faut en effet promouvoir de nouveaux comportements politiques centrés sur le désir de progrès et de bien-être de nos concitoyens. Ceci nous concerne tous.
Ce qui doit guider un gouvernement, c'est de s'adapter au mieux aux exigences du développement.
Ce qui doit guider l'opposition, c'est de s'inscrire dans une démarche positive et constructive dans l'intérêt général du pays.
En fin de compte, je souhaite que les partenaires engagés dans la dure bataille du développement réussissent ensemble à donner à cette population l'image sereine d'élus responsables qui savent ce que gouverner veut dire.
Monsieur le Président de la Polynésie française, vous allez, à la suite de mon intervention, nous indiquer vos orientations et vos choix budgétaires pour l'exercice 2008.
Qu'il me soit néanmoins permis, avant cela, de vous dire, dans un esprit constructif et franc, sur quelles bases nous serions en présence d'un bon budget pour la Polynésie française, compte tenu tout à la fois de l'expérience tirée du passé, de la situation économique et sociale présente et de nos impératifs économiques et sociaux pour demain.
Plus précisément, les représentants souhaitent pouvoir disposer d'un document budgétaire sincère, où les recettes auront été correctement évaluées tout autant que les dépenses. Il n'est pas souhaitable de revoir sur ce point les mauvais épisodes d'un passé pas si lointain que ça.
Aussi, ils souhaitent un budget qui donne toute sa place au partenariat financier avec l'Etat, et non pas un document qui néglige les crédits d'Etat au nom d'une idéologie.
Ils souhaitent également un budget qui soit alimenté par une fiscalité qui ne soit ni pénalisante pour l'ensemble des contribuables, ni vexatoire ou confiscatoire à l'égard de telle ou telle catégorie de ces contribuables, comme ce fut le cas pour la taxe sur l'urbanisme commercial.
Ecartons le choix d'un budget qui, comme au début de cette année, soit fondé sur un recours excessif à l'emprunt, tout simplement parce que nous avons sur ce point des marges de manœuvre.
Favorisons un budget qui n'épuise pas nos réserves alors même que s'accumuleraient des gisements de crédits d'investissement non consommés et des reports de crédits d'année en année déraisonnables. Une telle fuite en avant n'est plus admissible. Ces réserves sont une garantie que nous avons contre les coups durs et les nécessités impérieuses et imprévisibles.
Alors, nous attendons un budget qui soit favorable au développement de notre économie et à l'équipement de l'ensemble de nos archipels.
D'autre part, pour l'exécution de ces choix politiques, il faut donner à nos services publics les moyens de travailler correctement et de répondre à l'attente de nos compatriotes.
Il n'est pas souhaitable, comme nous l'avons vu, de réduire injustement des crédits affectés au fonctionnement des services publics, alors même que le gouvernement est loin d'être à la diète.
Il n'est pas plus souhaitable d'avoir un budget qui appauvrirait nos établissements publics, alors qu'ils peuvent contribuer à mieux soutenir l'activité et à améliorer, par leurs actions, le sort de nos compatriotes.
Nous attendons évidemment un budget qui mette en avant des objectifs ou des actions aussi essentiels que la prévention, l'équilibre de nos comptes sociaux, la modernisation de notre système de santé et de protection sociale.
A l'inverse, n'engageons plus de nouvelles réformes aventureuses et coûteuses du style du projet Te Autaearaa, qui fut un gigantesque fiasco financier et social.
Au nom de mes collègues, je formule le souhait d'un budget sérieux, responsable, concerté entre tous les acteurs intéressés ou concernés, un budget qui prépare l'avenir et qui sache rassembler le plus largement possible au sein de cet hémicycle comme à l'extérieur de celui-ci.
Je vous propose d'établir un budget qui commence enfin par prendre en compte les recommandations que vous a faites le rapport Deloitte, en matière de maîtrise des crédits de transfert, de contrôle de gestion ou encore de suivi de nos organismes périphériques, rapport qui, en son temps, a été utilisé comme une arme politique.
Comme il serait judicieux d'intégrer dans le budget les multiples recommandations exprimées par la chambre territoriale des comptes, et qui ont été commentés sous un angle seulement critique des gestions passées, alors même qu'ils comportent des propositions précieuses pour mieux faire dans le futur.
Nous formulons surtout le souhait d'un budget qui sache répondre aux attentes des acteurs économiques, chefs de nos entreprises, investisseurs potentiels, ménages, bref un budget qui leur donne à tous de la visibilité, de l'activité, du pouvoir d'achat, en somme, un budget qui leur donne une raison de ne pas désespérer du politique.
Pour cela, j'ose imaginer un budget qui s'appuie et qui soit éclairée, dans son exposé des motifs, par une vision claire fondée sur une politique économique et sociale volontariste, guidée par des investissements publics, et une promotion de l'investissement privé.
En somme, il nous faut un budget qui tire les choses vers le haut, qui procurent des revenus et de l'activité propice à l'emploi et à l'insertion.
Ainsi, construisons un budget qui donne espoir à ceux qui sont à la marge, en exclusion ou sur la voie de l'être, qui donne espoir à ceux qui désirent s'intégrer et devenir des citoyens fiers d'une Polynésie fraternelle et solidaire.
Souhaitons ardemment que ceux pour qui les aides sociales sont vitales trouvent dans ce futur budget la confirmation que la Polynésie française sait être soucieuse de leur sort et de leur devenir, en leur offrant la protection et les ressources sociales qui leur sont utiles pour tout simplement vivre décemment.
Oui, Monsieur le Président, je m'identifie à tous ces souhaits. Tout cela à la fois et certainement plus encore si cela est possible.
Il n'est plus tolérable dans la société polynésienne du 21ème siècle que nous stagnions à ce point, que nous soyons aussi désespérés de nous-mêmes et de notre Pays et de ses responsables.
Ce budget doit nous donner du souffle, doit nous donner des perspectives heureuses. Il vous revient de nous rassurer sur ce point. J'ose espérer que vous ne nous décevrez pas.
Je vous remercie de votre attention.
Edouard FRITCH
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