Le sénateur représentant Gaston Flosse a bien voulu nous accorder sa dernière interview de l'année 2009. La pire, sans aucun doute, de toute sa carrière politique, mais dont il se sort encore avec le sourire de celui qui refuse de se laisser abattre. A croire que même sur son lit de mort il narguera la grande faucheuse en murmurant " chiche essaie de venir me chercher !" Visiblement il n'en est pas là et l'anti flossisme en est tout songeur. Bridé par la justice, réfléchi à Vetea, percutant à l'Assemblée, fluctuant dans l'opinion sur un pilori dégarni, il se délecte en marquant amis et adversaires à la culotte .Et il se réinstalle en boutefeu dans un hémicycle attentif scotché par tant d'assurance. Turbo politique en action. Vitalité inusable, bien huilée de la base au sommet, la machine Flosse tourne rond, quels que soient les ratés.
( M. Flosse nous fait savoir que depuis ce matin il n'est plus obligé d'aller pointer à la gendarmerie toutes les semaines comme mentionné dans l'interview.)
1/ Monsieur le sénateur alors que certaines personnalités incarcérées sortent plutôt effondrées de Nuutania, on a l’impression que vous pétez la forme si vous me permettez cette expression ?
Vous savez, l’incarcération est toujours un moment difficile. Mais ce fut pour moi une extraordinaire leçon d’humilité ;de soumission, d’obéissance. Ce fut également de longs moments d’examen de conscience, de prière. Mais vous savez aussi que je suis un battant et je me suis concentré sur ma défense, d’autant que ce qui est relaté par cette presse souvent haineuse à mon égard n’est pas conforme à la réalité des faits.
Ma libération a bien sûr été pour moi un immense soulagement et j’ai été immédiatement entouré de tous ceux que j’aime. Ma compagne, Pascale, mes enfants, ma famille, qui m’ont tant manqué, et puis mon autre famille, le Tahoeraa Huiraatira. La présence de tous à mes côtés, le soutien qu’ils m’ont toujours apporté, m’a évidemment apporté beaucoup de chaleur. C’est ce que j’ai voulu leur rendre en affichant publiquement ma joie de les revoir, tous.
2/ Qu’est ce qui vous a surtout manqué pendant ces 28 jours ? Aviez-vous accès à la télévision, aux journaux, à Tahititoday. Pouviez vous suivre l’actualité?
Oui, j’avais accès à l’information : j’ai pu acheter une petite radio à la prison, j’avais la télé et surtout Radio Maohi ce qui me permettait de conserver le lien avec l’extérieur et je remercie tous ceux qui m’ont apporté leur soutien, tous ceux qui m’ont délivré des messages de réconfort au travers de radio Maohi. Je pouvais également recevoir une revue de presse, mais curieusement, je n’avais pas communication de ce que vous écriviez sur votre site Tahititoday. Je ne sais pas pourquoi. Bien sûr, j’avais aussi des informations par tous ceux qui étaient autorisés à me rendre visite, ma famille et les élus du Tahoeraa Huiraatira.
3/ Dans quelles conditions – contrôle judiciaire - avez-vous été libéré ?
Le contrôle judiciaire a été aménagé par rapport à ma première mise en liberté où je n’avais plus la possibilité d’exercer mon activité politique. Aujourd’hui, je suis autorisé à exercer mes mandats, c’est-à-dire à me rendre à l’assemblée et au sénat. Mais curieusement je n’ai pas le droit de me rendre au siège du Tahoeraa Huiraatira, ne pas rencontrer les membres du bureau exécutif, tous ceux qui ont été mis en examen, sauf Pascale Haiti, Je ne dois pas rentrer en contact avec Noa Tetuanui et je dois pointer tous les lundis à la gendarmerie.!
Le juge des libertés a fixé le montant de ma caution à 80 millions dont 20 qui doivent être réglés dans les prochains jours, et le solde dans quatre mois.
4/ Pensiez-vous vivre cette épreuve de l’incarcération un jour. Croyez vous que l’Etat ait voulu vous gommer de la scène politique locale et que reprochez-vous à la Justice, Est elle impartiale à votre avis ?
Je ne pensais pas, bien sûr, être jeté en prison un jour. Mais il est vrai que quelque temps avant mon incarcération, je m’y étais préparé puisque c’était un des motifs des demandes de levée de mon immunité parlementaire. Vous comprendrez que je ne fasse pas de commentaires sur la façon dont la justice s’exerce. Quant aux interférences extérieures…. Ce qui est sûr, et certains se sont clairement exprimés sur le sujet, à Paris il y a des gens qui veulent m’éliminer de la scène politique. C’est également le cas à Tahiti où certains de mes adversaires n’ont jamais pu m’éliminer par les urnes. En conséquence tous les moyens sont bons.
5/ On vous accuse de détournement de fonds publics. Que répondez-vous à cela ?
Je n’ai pas détourné de fonds publics, et cela ne m’est d’ailleurs pas reproché par la justice, contrairement à ce que l’on peut lire ou entendre. C'est de la désinformation pour ancrer les mêmes accusations dans l'opinion publique.
6/ Est-ce que vous devenez plus indépendantiste que les indépendantistes comme l’a dit Jacqui Drollet mercredi à l’Assemblée ?
M. Drollet n’a rien compris, comme d’habitude. S’il a dit cela, c’est parce que j’ai demandé, lors du débat budgétaire, que l’Etat assume pleinement ses compétences à l’égard des communes et de la sécurité de nos concitoyens. Ce discours, je l’ai toujours tenu, et je le tiendrai toujours. Dans le cadre de l’Autonomie, la Polynésie doit assumer son rôle, mais l’État doit faire de même pour ce qui est du sien. Quand vous voyez que la Polynésie verse annuellement environ 15 milliards au Fonds intercommunal de péréquation, la caisse des communes, tandis que l’État ne verse que 1 milliard, il y a quand même un problème! Je comprends que M. Drollet soit énervé quand je dis que chacun doit assumer ses compétences car lorsque Oscar Temaru, était au pouvoir, il a toujours laissé l’Etat en faire à sa guise. D’ailleurs, il n’est pas étonnant que le Haut-commissaire ait envoyé autant de compliments au leader indépendantiste puisque celui-ci lui disait toujours oui.
Je suis plus que jamais opposé à l’indépendance car je me suis dit si nous avions été indépendants et avec comme Président Oscar Temaru, j’aurais terminé ma vie en prison. Mais je m’empresse d’ajouter que je suis tout autant opposé à la départementalisation, farouchement opposé.
7/ Étés vous favorable à une modification statutaire ? A une prime majoritaire ? A la réduction du nombre de représentants ?
Si en parlant de modification statutaire vous parlez de modification du mode électoral, j’y suis favorable. La prime majoritaire, c’est ce que j’ai souhaité en 2004. Tout le monde a crié au loup en disant que je voulais éliminer tous les petits partis. Aujourd’hui, tout le monde semble s’accorder sur le bien-fondé de cette prime, et veut même qu’elle soit renforcée. J’avais fait cette proposition en 2007 quand M. Estrosi a voulu réformer le mode électoral.
On ne m’a pas suivi et on a préféré le type de scrutin qui finalement entretient l’instabilité. Il est certain qu’avec une bonne prime majoritaire on pourra dégager une vraie majorité. Mais il restera les hommes. Oui,je suis favorable également à la diminution du nombre de représentants à l’Assemblée, 47 représentants au lieu de 57 à mon avis c'est suffisant. Mais je suis opposé à une circonscription unique. Je suis pour le maintien de celles que nous avons.
8/ l’Etat assume-t-il toutes ses responsabilités dans le pays en fonction de ses compétences ?
Je viens de vous dire, en prenant l’exemple des communes, que l’Etat n’assumait pas toutes ses responsabilités. Les « affaires » nous démontrent aussi que, quand l’Etat pouvait y avoir intérêt, il ne mettait pas en œuvre toutes ses compétences.
9/ Vous avez félicité le président Tong sang pour son budget et vous l’avez voté. Le passé est effacé. Les relations entre vous sont elles bonnes et durables ?
Depuis juillet 2007, nous avons fait la démonstration que nous pouvions faire abstraction des querelles passées pour nous consacrer à l’essentiel. Ce qui me préoccupe aujourd’hui, comme hier, c’est l’avenir de notre pays qui traverse une crise sans précédent, une crise que nous n’avons jamais connue. Avant 2004, nous avions une croissance économique en moyenne de 3% par an. Aujourd’hui, la croissance est négative. Il faut donc tout mettre en œuvre pour relancer la machine. J’ai des propositions à faire. Mais ce qui importait, dans l’immédiat, c’était de voter le budget. Un budget sans aucune augmentation des taxes et des impôts, contrairement à ce que voulait faire Oscar Temaru en créant plus de 12 milliards de prélèvements supplémentaires sur les familles et les entreprises.
10/ Croyez vous que la majorité puisse être élargie en 2010
C’est indispensable.
11/ Cette majorité à votre avis est elle viable ?
Il faut lui donner plus de solidité, d’où la nécessité de la conforter.
12/ On murmure dans certains sérails politique que vous souhaiteriez prendre la vice présidence, est ce possible ?
La place est déjà occupée. Je ne vais pas me fâcher avec Edouard Fritch. Et puis je ne sais pas si ils ont besoin de moi. Ce n'est pas ma préoccupation majeure aujourd'hui ,alors que la fracture sociale s'élargit et que la misère - avec les licenciés des huit mois de pouvoir d'Oscar Temaru - étreint tant de familles polynésiennes, que tant de pauvres gens sont jetés à la rue notamment à Faa'a et ailleurs, que les sectes, la drogue font des ravages. En cette période de fête, oui j'ai autre chose en tête que de m'asseoir à la place de mon fidèle Edouard.
13/ Enfin comment voyez vous votre avenir en 2010. ?
Je ne suis pas madame Soleil. Mais il est certain que je suis disponible et prêt à continuer à me battre . Je suis prêt à reconnaitre mes erreurs mais je suis prêt aussi à me battre pour faire reconnaître mon innocence en ce qui concerne certaines accusations.
14/ Quel est votre message de fin d'année aux lecteurs de Tahiti today .
Mon message, c'est que je prie tous les jours pour que nous arrivions avec nos amis de la majorité à juguler cette période funeste qui s'est abattue sur nous qui sommes encore plus défavorisés que les citoyens des grands pays industrialisés. Je souhaite de tout mon coeur éradiquer au maximum la misère,et que les entreprises redeviennent compétitives et florissantes afin de pouvoir ré-embaucher et qu'elles participent à notre projet de société. Celui que nous allons bâtir en 2010. Et que Tahititoday enregistre de plus en plus de lecteurs bien sûr !
A toutes et à tous je souhaite une bonne santé et une année 2010 bien meilleure que 2009.
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