Les représentants se sont réunis dans l’hémicycle, le mardi 24 juin 2008, pour la Neuvième séance de la session administrative qui a été ouverte par le président de l'institution, Oscar Temaru.
Retrouvez l'Intervention d'Edouard Fritch à l'Assemblée de Polynésie
Intervention d'Edouard Fritch à l'Assemblée de Polynésie
Discussion générale sur la proposition de délibération portant modification de la délibération portant règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française
La proposition initiale de nos rapporteurs visait à mettre en conformité notre règlement intérieur avec les nouvelles dispositions de la loi Estrosi qui devait ramener la stabilité politique dans notre pays. Sur cette proposition initiale, nous n'avons que peu de commentaires à faire puisqu'elle correspond à la stricte application de la loi.
Par contre, lors de la commission législative, de nombreux amendements ont été déposés par M. Jean-Christophe Bouissou, visant à modifier des articles existants de notre règlement intérieur. Sur ces points, nous apporterons plusieurs critiques de bon sens.
Une des dispositions primordiales de la loi Estrosi, et qui avait recueilli l'assentiment général, vise à la création d'une nouvelle commission législative, dite de contrôle budgétaire et financier. Avant même que cette commission ne soit officialisée, nous avons pu en mesurer l'importance puisqu'elle sera destinataire d'un grand nombre de projets d'actes du gouvernement, notamment dans le cadre de l'attribution de subventions ou pour les nominations dans les sociétés d'économie mixte.
Je le disais, avant même que cette commission ne soit créée, nous avons pu constater les dérives du gouvernement, et singulièrement de son président, qui n'hésite pas à distribuer des sucettes pour tenter de stabiliser sa majorité toujours aussi insaisissable. Ainsi, nous avons pu nous rendre compte des égards déployés envers la famille Frébault. Je vous indique d'ailleurs qu'un recours a été déposé devant le conseil d'Etat à la suite de la subvention attribuée à l'association Prépa HEC pour financer le voyage de la nièce du ministre de l'Equipement.
C'est au travers de cette commission également que nous pourrons surveiller de près toutes les nominations récompenses pour les copains-coquins, comme celle de Mara Aitamai à la présidence de la SETIL, alors que ce monsieur, qui est collaborateur au cabinet du président Tong Sang, s'est illustré à la direction du FDA en couvrant des pratiques qui sont à l'origine d'enquêtes judiciaires.
Donc, nous sommes très satisfait que cette commission voit le jour, d'autant qu'elle sera dotée de moyens importants pour mener à bien ses investigations, contrairement aux simplex avis que nous avons pu donner jusqu'à présent, et dont il n'a pas été tenu compte par le président Tong Sang. La transparence a ses limites du côté de la caserne Bruat.
Venons-en maintenant aux modifications apportées par M. Jean-Christophe Bouissou. Pour l'essentiel, elles résultent du véritable traumatisme subit par l'improbable majorité au cours de ces dernières semaines. Le président du groupe To Tatou Ai'a ne s'est pas encore remis des revers qu'il a subit ces derniers temps par sa méconnaissance du règlement intérieur, mais surtout parce qu'il a été confronté aux effets dévastateurs d'une majorité qui n'arrive pas à se trouver.
Pour tenter d'effacer ces mauvais souvenirs, M. Jean-Christophe Bouissou est venu en commission avec une dizaine d'amendements. Mais je constate que sa gestion brouillonne de l'épisode lié à l'étude par notre assemblée du projet de contrat de projet reste tout aussi brouillonne lorsqu'il s'agit d'amender le règlement intérieur. Ainsi avons-nous vu arriver des amendements si mal rédigés qu'il fallait les reprendre et les transformer en amendements bis.
Je qualifierai le résultat en ces termes : précipitation, amateurisme, incohérence.
Globalement, on voit bien que le chef du groupe To Tatou Ai'a n'a qu'une ambition : à défaut de pouvoir tout régenter, il essaie d'encadrer au maximum les pouvoirs du président de l'assemblée pour tenter de le réduire à un rôle d'automate.
Mais ce n'est pas avec cette méthode que Jean-Christophe Bouissou parviendra à ses fins. Vous aurez beau vouloir imposer de nouvelles règles, il n'empêche que le président de l'Assemblée dispose de nombreux pouvoirs implicites qui ne sont pas " encadrés ". Et si le président prend une décision qui vous semble illégale, il vous restera toujours la possibilité de saisir le juge administratif. C'est vrai que, dans les derniers épisodes que nous avons connu, vous n'avez pas saisi le juge parce que vous aviez tout faux. C'est la raison qui vous pousse à changer les règles.
Plutôt que de s'en prendre aux pouvoirs du président de notre institution, M. Jean-Christophe Bouissou ferait mieux de lutter contre le " nomadisme politique " car cela éviterait la situation que nous connaissons aujourd'hui…
J'en viens maintenant sur les articles modifiés à la demande de M. Jean-Christophe Bouissou, ce qui nous permettra par des exemples pratiques de constater à quel point la précipitation peut mener à des incohérences.
Ainsi, au dernier alinéa de l'article 2, on nous propose d'écrire que " le discours du président donne lieu à un débat sans vote….. tel que défini à l'article 8 ".
D'abord, on notera une première incohérence, étant donné que dans les alinéas précédents il est question du " président de l'assemblée " et du " président de la Polynésie française ". Si bien qu'avec l'actuelle rédaction on ne sait pas quel président est concerné par l'amendement.
Par ailleurs, la référence à l'article 8 est erronée. Cet article tient à la préparation de l'ordre du jour par la conférence des présidents. Il faudrait donc, pour être conforme, se référer à l'article 15, s'agissant de déterminer les temps de parole.
Sur le fond, et bien qu'on nous ait expliqué que ce débat correspondait au souci d'apporter encore plus de démocratie dans les rapports entre les institutions, je crains que ce type de débat ne nous ramène à certaines pratiques cacophoniques que nous nous sommes attachés à limiter au fil des dernières modifications du règlement intérieur.
En effet, cet amendement Bouissou nous propose de réagir à chaud sur un discours qui vient d'être prononcé. Si bien que les interventions des différents orateurs tourneront à l'improvisation avec tous les dérapages que l'on connaît.
Par ailleurs, les nouvelles dispositions de la loi statutaire prévoient désormais qu'un débat doit être organisé sur les orientations budgétaires du gouvernement. Ce débat me semble beaucoup plus important, car le budget est l'acte essentiel de la politique du gouvernement. Il porte sur l'avenir, alors que le discours d'ouverture de la session administrative n'est qu'un bilan de l'action passée.
Je ne vois donc pas tellement où sera l'avancée démocratique de donner la possibilité aux uns et aux autres de bavarder sur le discours bilan.
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Les modifications que vous nous proposez au 5ème alinéa de l'article 6 traduisent également la précipitation de la réflexion qui est née de votre récent traumatisme.
En effet, vous nous proposez de dire que l'un des vice-présidents peut assurer temporairement la présidence de séance, même si le président n'a pas expressément donné son accord.
Cette modification, M. Bouissou, je suis désolé de vous le dire, ne vas pas soigner votre traumatisme. Dans sa rédaction, et a contrario, il suffit que le président refuse expressément d'être remplacé, pour que la présidence de séance ne puisse pas être assurée par un vice-président. Il peut également désigner expressément un de ses vice-présidents, mais si celui-ci refuse de siéger, la séance ne peut continuer.
Les subtilités du droit vous sont étrangères, et si vous nous suivons sur cette rédaction, nous aurons à faire face à des situations ubuesques qui risquent de vous énerver. Ce que je ne souhaite pas.
Passons aux modifications que vous voulez apporter à l'alinéa 2 de l'article 15. Il s'agit d'encadrer la possibilité pour le président de lever la séance. Mais dans votre précipitation à tout régenter, vous avez oublié quelques éléments d'importance qui risquent de compliquer sérieusement les travaux de notre assemblée.
Désormais, les suspensions ne pourront plus dépasser " 15 minutes ", c'est un délai raisonnable reconnu par la jurisprudence. Dans tous les autres cas, c'est à l'assemblée qu'il reviendra de se prononcer sur une suspension prolongée.
Cela veut dire que pour toutes les autres suspensions, comme la pause déjeuner ou la confection d'une liste par les services de l'assemblée, il faudra faire voter l'assemblée. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué.
Par ailleurs, par le biais de votre rédaction, le gouvernement n'aura plus la possibilité de demander de suspension de séance. Pourtant, il en a souvent besoin pour s'accorder avec sa majorité introuvable.
A l'article 36-3, vous nous proposez d'ajouter une nouvelle phrase. C'est encore pour soigner vos traumatismes. Mais attention, le remède risque d'être pire que le mal !
La rédaction que vous proposez donne de nouveaux pouvoirs au président de l'assemblée car il n'est pas indiqué qui a autorité pour renvoyer un texte en commission. En effet, en l'absence de précision, c'est le président de séance qui décide de ce renvoi.
Par ailleurs, et pour vous éviter de nouveaux soucis, je vous indique que vous ouvrez la possibilité à n'importe quel représentant qui souhaiterait retarder les travaux de l'assemblée de déposer un amendement qui modifie substantiellement l'économie du projet afin de réclamer le renvoi du texte en commission.
Décidemment, Monsieur Bouissou, vous êtes loin de tout pouvoir régenter.
A l'article 39 alinéa 2, vous jouez Monsieur de la Palice. Là encore, c'est pour répondre à un de vos traumatismes récents lors d'un vote à égalité de suffrages " pour " et " contre ". Vous nous proposez donc d'inscrire dans le marbre un principe simple qui est qu'en cas d'égalité des voix il n'y a aucune majorité. Mais quitte à inscrire cette évidence dans notre règlement intérieur, autant proposer une rédaction correcte. Ainsi, il faudrait remplacer le mot " texte " par " décision " car notre assemblée émet des votes qui ne portent pas uniquement sur des textes. C'est par exemple le cas quand nous serons appelés à nous prononcer sur une suspension de séance pour aller déjeuner.
A l'article 63, alinéas 2 et 3, M. Bouissou tente d'apporter une nouvelle solution à ce que j'appellerai l'affaire du projet de contrat de projet et son renvoi en commission après les amendements de dernière minute présentés par le gouvernement. Sans entrer dans le fond de cet amendement, nous y reviendrons dans la discussion par article, je dirai que cet amendement est brouillon, et qu'il est parfaitement inutile dès lors qu'on ne se précipite pas pour nous présenter des textes qui ne sont pas correctement ficelés.
A l'article 63-4, M. Bouissou présente un amendement qu'il serait juste d'appeler amendement Tefaarere. Notre collègue Hiro, lors de la commission des finances la semaine dernière, a souhaité que les travaux des commissions puissent être télévisés. Dès le lendemain, M. Bouissou, qui ne sait plus rien refuser à Hiro Tefaarere de peur de se retrouver dans l'opposition, se précipitait pour rédiger son amendement au règlement intérieur. Comme quoi les modifications du règlement intérieur tiennent à ces petits échanges d'amitiés.
Mes chers collègues, d'autres modifications ont été apportées ou vont être apportées et nous aurons tout loisir de nous exprimer plus avant. Mais si j'ai tenu à entrer d'ores et déjà dans certains détails, c'est pour que nous puissions peut-être gagner un peu de temps. Je serai tenté, Monsieur le Président, de vous demander, puisque vous en avez encore la possibilité, de suspendre la séance pour laisser le temps à M. Bouissou de réécrire ses amendements afin d'éviter que nous ayons à nouveau à débattre des erreurs que je viens d'évoquer.
Je vous remercie de votre attention.
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