La 10e séance de la session budgétaire, jeudi 30 novembre, s’est enfin ouverte avec l’examen du budget. Dans son intervention publiée dans son intégralité ci-après, le sénateur Gaston Flosse a fait un examen attentif de ce projet de budget et son verdict est sans appel. « C’est un budget électoraliste, incohérent et mensonger », a-t-il asséné avec force à l’adresse du ministre des Finances. Il a dénoncé « le pillage des établissements publics, la surestimation des recettes et la sous estimation des dépenses », soulignant que ce budget ne traduisait aucune philosophie d’action particulière et encore moins la concrétisation des promesses électorales du taui. Bien au contraire, il ne comporte aucune mesure contre la vie chère qui flambe ou en faveur de l’emploi qui se dégrade. « Dans ce fatras sans queue ni tête il est impossible de discerner la moindre ligne directrice. Ce n’est qu’un collage incohérent destiné à satisfaire des appétits aussi divers que démesurés » a-t-il souligné sous les applaudissements des élus de son groupe, insistant sur l’énormité de la dette. Il a axé son intervention sur deux points forts, « le reniement des engagements » et « la ruine du pays », pour conclure que jamais l’assemblée n’avait eu à examiner « un budget aussi mauvais », allant jusqu’à demander au président de la Polynésie française de « jeter ce budget à la poubelle » et de désigner un nouveau ministre des Finances « plus compétent. »
Intervention de Monsieur Gaston FLOSSE,
Sénateur de la Polynésie française
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10ème séance de la session budgétaire de l’Assemblée
de la Polynésie française
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Jeudi 30 novembre 2006
Monsieur le Président de la Polynésie française,
Monsieur le Président de l’Assemblée de la Polynésie française,
Mesdames et Messieurs les représentants,
J’avoue que j’ai été fort embarrassé pour choisir les points précis de mon intervention. Il y aurait tellement à dire sur ce budget électoraliste, incohérent et mensonger qu’on se demande par où commencer. Comment, par exemple, passer sous silence le pillage de nos établissements publics, la surestimation des recettes et la sous-estimation des dépenses?
Comment ne pas relever qu’il n’y a dans votre budget aucune mesure pour lutter contre la vie chère, aucune mesure en faveur du pouvoir d’achat, aucune mesure en faveur de l’emploi ? J’ai aussi été tenté par le nouvel impôt sur le téléphone que M. Drollet vient de nous préparer en catimini. Encore un bel exemple de promesse non tenue et d’augmentation du coût de la vie par la faute du gouvernement. Mais ce texte est tellement bourré d’énormes irrégularités qu’il sera probablement annulé avant d’entrer en vigueur. Si encore on sentait dans l’ensemble du budget une ligne directrice, une vision de l’avenir, je me serais attaché à débattre de cette vision d’ensemble. Mais dans ce fatras sans queue ni tête il est impossible de discerner la moindre ligne directrice. Ce n’est qu’un collage incohérent destiné à satisfaire des appétits aussi divers que démesurés.
Alors j’ai finalement choisi deux points qui me semblent particulièrement intéressants parce qu’ils illustrent de façon frappante deux reproches majeurs que mérite ce gouvernement : le reniement des engagements et la ruine du pays.
Le premier point concerne donc l’inflation des dépenses du gouvernement. Tout le monde se souvient que pendant la campagne de 2004 un des principaux arguments d’Oscar Temaru était le montant des dépenses de fonctionnement de mon gouvernement. M. Temaru se vantait à chaque occasion qu’il améliorerait la situation financière du pays et ferait baisser les impôts rien que par les économies qu’il réaliserait sur le train de vie du gouvernement. Il précisait même qu’il était capable de diriger le pays avec 8 ministres et qu’il n’y en aurait pas un de plus dans son gouvernement.
Que constatons nous aujourd’hui ? Il a nommé 18 ministres et il n’arrive même pas à gouverner. Au lieu des économies qu’il avait promises il n’a pas cessé d’augmenter le train de vie du gouvernement, à commencer par le sien. La gabegie engendrée par ce gouvernement obèse et paresseux est l’une des causes de l’augmentation incessante du coût de la vie ; et la population le sait. Et ce que nous connaissons aujourd’hui va s’aggraver, puisque le budget 2007 prévoit une augmentation des dépenses de fonctionnement des pouvoirs publics de 10,7%. Vos dépenses de fonctionnement vont atteindre 4 milliards quatre cent soixante huit millions. On comprend pourquoi M. Drollet a prévu de créer une nouvelle taxe de 1 milliard 500 millions sur le téléphone.
N’aurait-il pas été préférable de réduire un peu le train de vie du gouvernement en supprimant quelques ministères sucettes et en congédiant quelques uns des fetii parasites qui encombrent les cabinets ministériels?
Mesdames et Messieurs les représentants de la majorité, je comprends que vous hésitiez à rejeter en bloc le budget que vous propose le gouvernement. Mais ne pourriez vous au moins vous joindre à nous pour obtenir une réduction de ces dépenses inutiles ou du moins une stabilisation au niveau atteint en 2006 ? Ce serait un geste concret en faveur de la lutte contre la vie chère.
Le second point est encore bien plus grave. Il s’agit de notre endettement. Le principe du mensonge est le même. Tout le monde se souvient que M. Temaru a durement critiqué les emprunts lancés par mon gouvernement.
Il s’indignait de nous voir emprunter 10 millards par an. Il dénonçait notre irresponsabilité. Il gémissait sur le sort misérable de nos enfants, petits enfants et arrières petits enfants qui seraient écrasés par le remboursement de nos emprunts. Mensonges et larmes de crocodile. Dès qu’il est arrivé au pouvoir, Oscar Temaru s’est empressé, une fois de plus, de faire, en pire, tout ce qu’il critiquait.
En 13 ans, de 1991 à 2004, nous avions emprunté en moyenne moins de 10 milliards par an. Notre record a été de 14 milliards, une seule fois, à cause des cyclones. L’encours de la dette, c’est-à-dire la somme totale qui reste à rembourser, n’a jamais dépassé 60 milliards jusqu’en 2004.
En 2006 M. Temaru a emprunté près de 20 milliards et cela a aussitôt entraîné une baisse de notre notation par les organismes financiers internationaux.
Ce qui signifie concrètement que, dès cette année nous obtiendrons des taux moins favorables pour nos emprunts. Mais même ces 20 milliards ne suffisent plus à satisfaire la frénésie de dépenses du gouvernement. En 2007 il veut emprunter près de 24 milliards, 10 milliards de plus que notre année record et plus du double du montant moyen dont nous nous sommes contentés pendant 13 ans. L’encours de la dette dépasse désormais les 100 milliards. Au rythme prévu pour 2007, et à condition que les budgets suivants ne marquent pas une nouvelle aggravation, la dette de la Polynésie atteindra 150 milliards en 2009. Naturellement les tableaux habituels retraçant l’évolution de l’encours de la dette ont été supprimés cette année. Connaissant M. Drollet, personne ne sera surpris de ce maquillage, mais personne n’en sera dupe.
J’aimerais bien entendre les commentaires que peut faire aujourd’hui M. Temaru sur la situation de nos enfants, petits enfants et arrière petits enfants qui devront rembourser les emprunts qu’il contracte pour mener avec son gouvernement et ses courtisans une vie de luxe. Mais ne rêvons pas : le Président Temaru ne connaît plus l’opposant Oscar et ne se sent en rien tenu de respecter ses promesses.
Mesdames et Messieurs les Représentants de la majorité, sur ce point également je crois que vous rendriez service à notre pays, à tous les Polynésiens et à nos enfants en refusant d’emprunter une somme aussi déraisonnable.
Je me limiterai à ces deux points. Mais le budget que nous propose aujourd’hui le gouvernement est tellement mauvais qu’on peut s’interroger sur l’utilité d’en faire une critique détaillée. Une aussi mauvaise copie, qui devrait faire honte à notre Ministre des Finances, est impossible à corriger. La seule solution raisonnable, Mesdames et Messieurs les représentants, est de le mettre à la poubelle et de demander au Président de la Polynésie française de désigner d’urgence un Ministre des Finances raisonnablement compétent pour préparer d’urgence un budget acceptable.
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