Retrouvez ci-joint l'allocution prononcée par le président du Tahoera'a huiraatira, sénateur de la Polynésie française, Gaston Flosse, lors des obsèques de Mme Andréa de Balmann. Elle fut la première femme médecin en Polynésie française.
Obséques de Mme Andréa de Balmann
Retrouvez ci-joint l'allocution prononcée par le président du Tahoera'a huiraatira, sénateur de la Polynésie française, Gaston Flosse, lors des obsèques de Mme Andréa de Balmann.
Monseigneur,
Mon père,
Monsieur le président de la Polynésie française,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chères Mareva et Temanuata,
Chers parents, chers amis,
Andréa de Balmann était avant tout une femme et une mère qui n'a jamais sacrifié sa vie privée et ses obligations familiales à sa carrière et à son engagement dans la vie publique.
Ce sont aujourd'hui ses filles, Mareva et Temanuata, ses parents, ses proches amis qui éprouvent une douleur que nous comprenons et que nous voulons partager. Le deuil est une épreuve privée et même intime devant laquelle nous ne pouvons qu'exprimer notre sympathie et notre respect.
Si je me permets de prendre aujourd'hui la parole, c'est parce qu'Andréa de Balmann, a voulu, durant toute sa vie, consacrer une grande partie de son temps, de ses compétences et de son exceptionnelle énergie au service des enfants, des malades, des plus démunis d'entre nous, au service de son pays.
Son décès est une perte pour tous ceux qui l'ont connue parce qu'elle était un exemple, un modèle de ce que beaucoup d'entre nous auraient rêvé d'être. L'admiration qu'elle a toujours suscitée est d'autant plus vive que sa réussite ne doit rien à la chance.
Née à Makatea en 1913, Andréa a perdu sa mère, emportée par la grippe espagnole de 1917, alors qu'elle avait 4 ans. Son père l'a envoyée faire ses études en France lorsqu'elle avait à peine 11 ans. Elle vivait chez un oncle. A la suite du décès accidentel de ce dernier, elle s'est retrouvée seule pour vivre et poursuivre ses études.
A une époque où bien peu de femmes, même parmi les familles métropolitaines les plus aisées, arrivaient jusqu'au baccalauréat, cette jeune Polynésienne, loin de tout soutien familial, a réussi à poursuivre des études supérieures particulièrement difficiles. Quel courage !
En 1936, à 23 ans, elle obtient son diplôme de chirurgien-dentiste et en 1939, âgée seulement de 26 ans, elle est docteur en médecine. Aucun Polynésien n'avait encore obtenu ce diplôme. Andréa de Balmann est la première. C'était déjà un exploit qui suffirait à la distinguer encore aujourd'hui, même si la suite de sa vie n'avait pas été extraordinaire.
Mais Andréa de Balmann n'avait vraiment pas le caractère à se reposer sur ses lauriers. Elle l'a prouvé dans le domaine scientifique en saisissant toute sa vie les occasions de se perfectionner et d'accroître ses connaissances. Elle a effectué deux ans d'études supplémentaires à l'université de Berkeley et en 1968, âgée de 56 ans, elle suivait encore des stages de pédiatrie à paris et de dermatologie à Nouméa.
Ceux qui se passionnent pour une science sont souvent repliés sur eux-mêmes, sur leurs études, leurs livres, leurs collègues. Cela n'a jamais été le cas d'Andréa de Balmann. La médecine n'était pas sa véritable passion. Sa passion, c'était de connaître, de comprendre et d'aider les autres. La médecine n'était que l'outil qui lui permettait de mieux servir ceux qui en avaient besoin. Entre les mains d'une femme aussi énergique, la médecine était un moyen exceptionnel pour aider tous ceux qui étaient dans le besoin.
Taote de Balmann est devenue rapidement une légende vivante et elle l'est restée. Cela n'est pas seulement dû à sa réussite professionnelle. Bien sûr son curriculum vitae est impressionnant. Elle a été directrice de la maternité de l'hôpital Vaiami, directrice de l'institut Mallardé, médecin chef du dispensaire de Mamao, et j'en oublie peut-être. La France reconnaissant les mérites exceptionnels de cette grande dame lui a décerné à peu près toutes les décorations possibles :
Chevalier de l'ordre national du Mérite en 1972.
Chevalier de la Légion d'Honneur en 1977.
Officier de l'Ordre National du Mérite en 1981.
Commandeur de l'Ordre National du Mérite en 1990.
Officier de la Légion d'Honneur en 1997.
Et j'ai eu l'honneur et le plaisir de la nommer Commandeur dans l'Ordre de Tahiti Nui en 1997.
Mais ce ne sont pas ces fonctions et ces distinctions honorifiques que les Polynésiens retiennent d'elle. Pour eux, pour nous tous, Taote de Balmann c'est avant tout une personnalité extraordinaire qui allie l'énergie, la force et l'autorité des grands patrons à la profonde bonté et à l'inépuisable dévouement d'une mère.
Car Andréa de Balmann a été une mère admirable pour ses deux filles et une grand-mère merveilleuse pour ses trois petits enfants. Mais, sans jamais négliger sa famille, elle a toujours su mettre ses connaissances et son énergie au service de tous les autres, et surtout des enfants.
Certes, elle ne perdait pas de temps en mignardises. Elle n'hésitait pas à secouer, à bousculer. Devant elle, on savait vite qui était le chef. Et beaucoup d'hommes qui exercent aujourd'hui des responsabilités importantes se souviennent qu'ils ne faisaient pas les fanfarons la première fois qu'ils ont dû baisser leur pantalon devant Taote de Balmann.
Les hommes politiques aussi se souviennent qu'il n'était pas facile de dire non au docteur de Balmann lorsqu'elle venait leur demander de prendre des mesures en faveur des enfants. C'est elle qui est à l'origine de la première école de vacances, du noël des enfants et de la première crèche que nous avons ouverte ensemble à Pirae.
Elle a même probablement pensé à un moment que les choses iraient mieux si elle prenait elle-même des responsabilités politiques puisqu'elle s'est présenté aux élections législatives comme suppléante de Nedo Salmon. Elle avait toujours su s'engager, dans ce domaine comme dans les autres, notamment pendant la guerre où elle militait au sein de la France libre avec son mari, le docteur Tourneux qui avait participé activement à la Résistance.
Andréa de Balmann n'a pas poursuivi une carrière politique qui lui paraissait sans doute trop éloignée de l'action directe au service des malades et des enfants. Mais elle est restée jusqu'au bout engagée dans l'action collective en participant activement à la vie associative. Fondatrice du Groupement de Solidarité des Femmes de Tahiti, elle a été également présidente de l'association des anciennes élèves d'Anne-Marie Javouhey, présidente du comité de gestion de la crèche Tama Here, présidente du comité local de la croix rouge et membre du conseil d'administration de l'association des donneurs de sang.
Perdre une femme de cette qualité, une personnalité d'une telle envergure, est une tristesse pour tous les Polynésiens, c'est un vrai chagrin pour tous ceux comme moi qui l'ont connue pendant de longues années. J'ai de nombreux souvenirs d'Andréa, liés à sa vie professionnelle bien-sûr, mais je me souviens aussi de l'amitié qui unissait sa fille Mareva et mes deux filles dans leur enfance. Je pense aussi à la passion que nous partagions pour la peinture. Combien d'entre nous ici évoquent en ce moment même ce qui les a lié, pour un moment ou pour des années, au docteur de Balmann, combien lui sont redevables pour leur santé ou celle de leurs enfants.
Elle a été ma voisine et mon amie, une amie chaleureuse, exigeante, un peu casse-pieds pour le maire de Pirae qui ne pouvait pas toujours satisfaire ses exigences ; et cela pendant les 37 ans où j'ai été maire.
Ces souvenirs, cette émotion, l'admiration et la reconnaissance que nous éprouvons pour cette grande dame, nous unissent aujourd'hui autour de ses enfants et de toute sa famille dont nous partageons la douleur mais aussi la fierté.
Nous perdons une grande dame ; la Polynésie perd une grande dame.
Quel bel éloge. Votre très forte personnalité n'a d'égal que votre humilité. Nous ne pouvons rester qu'admiratif. Maururu.
Réponse au post:
Merci. Mais il m'était pas difficile de faire l'éloge d'une femme aussi exceptionnelle. Il suffisait de rappeler la réalité.
Rédigé par : VERMOREL Guy | 10 février 2007 à 08:23