Pour la seconde fois au cours de la même année, le statut d'autonomie de la Polynésie française va être modifié. L'objectif étant de parvenir à stabiliser les institutions de cette collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie.
S'il nous faut adopter de nouvelles règles, c'est bien parce que celles votées au mois de février dernier ne permettaient pas d'atteindre cette stabilité. Il faut croire que le mode de scrutin prévu dans la loi de 2004 n'était pas si facile à remplacer, malgré toutes les critiques de ses détracteurs, puisque nous n'avons pas encore trouvé une meilleure solution.
En effet, le mode de scrutin adopté en février conduit à ce qu'une multitude de petites formations puisse détenir quelques sièges au sein de l'assemblée de la Polynésie française et cela empêche la constitution d'une majorité solide. D'autant plus que ces élus minoritaires n'ont pas cessé de trahir leurs électeurs et leur parti, acceptant sans scrupule de s'allier avec n'importe quelle formation, y compris indépendantiste, pourvu qu'ils puissent défendre leur propre intérêt.
Dans ces conditions, je suis favorable à cette nouvelle modification du mode de scrutin dès lors qu'elle vise à déterminer une majorité forte et, par voie de conséquence, à stabiliser le gouvernement....
Mais pour qu'il en aille ainsi, vous avez vu juste, en retenant le seuil de 5 % des suffrages exprimés, pour que les listes puissent participer à la répartition des sièges. Quant au second tour, dans l'hypothèse où aucune liste n'obtient la majorité absolue au premier tour, on ne parviendra à stabiliser le pouvoir en Polynésie que si, comme vous l'avez prévu dans le projet, on autorise les formations qui ont obtenu 12,5 % des suffrages exprimés à pouvoir se maintenir. Ce seuil est un minimum ; j'aurais préféré 12,5% des inscrits, comme aux législatives, mais ce que nous propose le rapporteur est un net progrès par rapport au texte initial.
Vous voulez que ces règles nouvelles soient rapidement mises en oeuvre. Vous avez donc décidé d'abréger le mandat des représentants et d'organiser de nouvelles élections dès 2008 pour mettre fin à l'instabilité chronique que connaît notre collectivité depuis 2004 ; après 23 ans de stabilité de progrès et de partenariat constructif avec la France, grâce au Tahoeraa huiraatira. Il faut en effet qu'une nouvelle majorité cohérente et stable puisse enfin s'atteler à redonner confiance aux milieux économiques et à tous nos concitoyens. Mais hélas, ce vœu ne sera pas réalisé si l'on procède, comme on nous y invite, dans la précipitation.
Les élections seront en effet organisées au cours du mois de janvier, ce qui veut dire que la campagne électorale va se dérouler au moment des fêtes de fin d'année : Noël et jour de l'an.
Par ailleurs, l'élection du président de la Polynésie qui suit celle des représentants à l'assemblée se déroulera probablement aux alentours du 6 mars, soit trois jours avant le premier tour des élections municipales. Cela n'est pas raisonnable. Il eut été préférable de laisser se dérouler les élections municipales et d'organiser ensuite, en avril ou mai, les élections à l'assemblée. Enfin, cela aurait aussi permis l'émergence de nouvelles forces bien ancrées dans la société polynésienne et légitimées par leur implantation municipale.
Pour renforcer la stabilité institutionnelle, il serait également souhaitable d'adopter un dispositif qui sanctionne les " aller-retour " de certains élus entre les différentes formations politiques. La situation d'instabilité chronique dans laquelle est plongée la Polynésie depuis plusieurs années a été accrue par le jeu de ces élus peu scrupuleux. Ils ont été candidats sur une liste mais, dès leur élection, ils ont quitté le parti politique qui les a fait élire pour aller s'allier à un autre groupe. Puis, en fonction des changements de majorité, ils quittent à nouveau leurs nouveaux " amis " pour revenir dans leur formation d'origine. Nous avons un élu d'un archipel éloigné qui a ainsi " basculé " quatre fois.
Et, hélas, ce comportement scandaleux a été contagieux. Au total 12 représentants sur 57, ont trahi leur formation politique et donc leurs électeurs. C'est pourquoi il faut mettre un terme à de tels comportements et permettre, par un mécanisme approprié, que la parole soit rendue aux électeurs. Il faut en effet que les citoyens de la circonscription dont un élu se comporte ainsi, puissent mettre un terme à son mandat.
Outre le relèvement des seuils, notre rapporteur a présenté quelques amendements judicieux, par exemple sur la procédure d'élection du président de la Polynésie française qui ne pourra plus être élu par une minorité des suffrages exprimés comme dans la version initiale du texte.
En revanche, je ne peux souscrire à la plupart des amendements qui nous sont proposés car non seulement ils sont étrangers aux objectifs que se fixe cette loi modifiant le statut de la Polynésie française, mais aussi parce qu'ils mettent à mal l'autonomie de notre collectivité. Je pense notamment au paragraphe rajouté à l'article 166. Dans la loi de 2004, cet article 166 était ainsi rédigé, je cite : " Le haut-commissaire veille à l'exercice régulier de leurs compétences par les autorités de la Polynésie française et à la légalité de leurs actes ". N'était-ce pas suffisant pour garantir la parfaite régularité des actes de nos élus ? Pourquoi rajouter un paragraphe qui autorise le haut-commissaire à prendre directement le pouvoir exécutif dans tous les domaines qui relèvent de nos compétences chaque fois qu'il estimera que nous avons négligé de prendre les décisions qui, d'après lui, nous incombent. C'est un pouvoir discrétionnaire qui annule de fait toute l'autonomie que nous donnait le législateur. Il n'existe plus un seul domaine où les élus polynésiens peuvent prendre une décision, ou même s'abstenir d'en prendre, sans s'assurer au préalable que cela convient au haut-commissaire. Nous sommes sommes, à nouveau, tombés sous la tutelle du Gouverneur.
Enfin, je tiens à souligner que l'article 18 du projet de loi, s'il est adopté, va reprendre des compétences, en matière de réglementation budgétaire et comptable, qui depuis 1984 avait été accordées à la Polynésie française.
Je me permets de rappeler qu'à l'origine cette question de répartition des compétences avait fait l'objet, à la fin de 1983, d'un arbitrage du Président de la République. Il avait demandé que cette matière soit retirée de la liste de celles qui étaient attribuées à l'Etat.
Après le vote de la loi statutaire de 1984, la Direction de la Comptabilité Publique avait tenté une remise en cause de cet arbitrage en faisant déposer un projet de décret portant sur la réglementation budgétaire et comptable, projet que le Conseil d'Etat a rejeté, dans sa totalité, comme méconnaissant la répartition fixée dans la loi statutaire.
S'appuyant sur cet avis du Conseil d'Etat, les autorités polynésiennes ont adopté une réglementation territoriale dans le domaine budgétaire, comptable et financier.
C'est l'objet de la délibération du 29 janvier 1991, qui fut complétée et refondue par la délibération du 23 novembre 1995.
Aucun de ces textes n'a été déféré par le haut-commissaire à la censure des juridictions administratives, pour incompétence de l'auteur de l'acte.
La réforme statutaire du 27 février 2004 n'a pas non plus remis en cause l'arbitrage présidentiel de 1983 et rien n'apparaît dans les travaux préparatoires de cette loi.
Aussi, on ne peut que s'interroger sur le retour en force des compétences de l'Etat. Certes l'Etat demeure compétent en matière de contrôle budgétaire mais c'est la Polynésie qui fixe ces règles en matière budgétaire et dès lors il n'y a pas lieu d'introduire dans l'ordre juridique de la Polynésie française les articles LO 273-4-1 à LO 273-4-12 du code des juridictions financières.
Il s'agit de la reproduction pure et simple des dispositions du code des juridictions financières applicables aux collectivités métropolitaines. C'est encore de la départementalisation.
Une fois de plus, on fait peu de cas de l'autonomie budgétaire et comptable qui avait été accordée, à l'occasion du statut de 1984 après arbitrage du Président de la République.
De nombreuses raisons me conduisent à m'opposer fermement à cet article 18. Seul les articles LO 272-12 et L 273-4-11 peuvent figurer dans la loi statutaire. Dans le cas contraire, les Polynésiens constateront que la loi tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique poursuit un troisième objectif qui est inavoué mais bien réel et qui consiste à nous reprendre des compétences. Plus j'analyse toutes ces modifications et plus je suis convaincu que l'on ne veut pas nous appliquer la départementalisation. On nous jure que non, mais j'ai des doutes.
Ce projet de loi apporte plusieurs améliorations appréciables à notre statut, et j'en remercie le ministre ainsi que notre rapporteur. Je pense notamment à tous les articles visant à renforcer la transparence dans le fonctionnement de nos institutions. Nous les approuvons sans réserve. Je regrette cependant que ces mesures positives soient gâchées par l'ajout de dispositions contraires à l'esprit de l'autonomie que les élus polynésiens, en concertation avec tous les Gouvernements successifs de la République, ont construit depuis trente ans.
Je comprends que l'instabilité gouvernementale constatée depuis 2004 inspire des doutes sur la capacité des Polynésiens à exercer toutes les compétences que le législateur leur avait attribuées. Mais j'aurais voulu que vous répondiez à ces doutes par la confiance dans nos capacités de progresser et non par la défiance systématique qui a inspiré de trop nombreux articles de ce projet de loi. J'ai l'impression que la Nation a trop vite oublié que pendant trente cinq ans la Polynésie française a contribué à l'édification de la force de dissuasion qui permet aujourd'hui à la France de faire partie des grandes nations de ce monde. Je sais, Monsieur le Ministre, que vous portez un grand intérêt à notre Pays et nous vous en sommes reconnaissants. En six mois vous êtes déjà venu trois fois. Vous avez parcouru des milliers de kilomètres en quelques jours pour rendre visite, dans tous nos archipels, aux populations les plus éloignées. Elles y ont été sensibles. Je sais que vous avez l'intention de revenir avant la fin de l'année et je m'en réjouis. J'espère que vous serez là pour présider la cérémonie d'ouverture d'un événement culturel majeur : le festival des arts des Marquises. Vous constaterez que la demande des élus marquisiens auprès de l'Unesco est parfaitement justifiée. Les Marquises méritent pleinement d'être inscrites au patrimoine de l'humanité. Et j'espère que vous appuierez les démarches entreprises dans ce but. En attendant votre prochaine visite, j'espère que l'intérêt que vous accordez à la Polynésie française pourra se manifester aujourd'hui devant notre Assemblée par le soutien que vous apporterez aux amendements que nous avons déposé.
Mes chers collègues, il est encore temps. Nous pouvons encore amender ce texte dans le sens de la confiance à l'égard de la Polynésie française et de ses élus. C'est le meilleur choix pour le présent et plus encore pour l'avenir. C'est le meilleur choix pour la Polynésie française, pour son maintien dans la République et pour le rayonnement de la France, et, à travers elle, de l'Europe, dans le Pacifique.
Je vous remercie de votre attention.
J’ai bien l’impression que cette histoire de projet de loi va mal tourné. Qui aurez un jour pensé à ce scénario, les indépendantistes se battant corps et âme pour protéger l’autonomie si chers au Tahoeraa. Les polynésiens se sentent menacé alors il se regroupe, c’est beau, mais on va vers quoi ?
Réponse au post:
Ce sont les électeurs qui décideront où nous allons. Mais je n’ai pas le sentiment que le danger nous pousse vraiment à nous regrouper. Sauf erreur, il y aura 4 listes autonomistes qui seront en concurrence aux prochaines élections.
Rédigé par : aute | 21 novembre 2007 à 19:33
Maururu peretini
Président, merci de nous avoir représenté avec dignité ; vous avez parlé au nom de votre peuple, en notre nom devant tous vos collègues du Sénat. Qu’est se qu’ils en savent eux de se qui se passe chez nous. De quels droits parlent-ils en notre nom. Parlons en de l’ouverture, excusez moi mais ou est elle passée ? Le tahoeraa avait pris la peine de travailler sur des propositions d’amendements concernant les articles ou il y avait désaccord, ont-ils pris la peine de les lire ? Le débat sur l’emploi de la langue polynésienne à l’assemblée de Polynésie, il est impossible que les représentants utilisent leurs langues respectives. Rappelez-vous le fiasco, lorques Jaqcuie Drollet avait parlé à Armelle Merceron en tahitien qui ne comprenait pas et que Réné Kohumoetini lui a répondu en Marquisiens.
Il est vrai que la Constitution dit que le français est la langue de la République. Pour pallier au fait qu’un recours soit déposer à l’annulation d’une loi si un représentant n’a pas compris les discutions en tahitien et bien qu’il apprenne notre langue c’est un minimum.
Réponse au post :
Merci pour votre appréciation de mes interventions au Sénat. C’est vrai qu’il est assez difficile depuis quelques mois de se faire entendre et comprendre à Paris. Quant à la langue tahitienne, nous l’avons toujours employée et nous continuerons à l’employer à ‘Assemblée comme partout ailleurs.
Rédigé par : Tini | 21 novembre 2007 à 19:22